Plus proche
Mon travail tourne autour de la question du lien entre des individus et des lieux. Pour cette résidence à la Friche Belle de Mai, je me suis intéressée aux jeunes qui fréquentent la Friche. Ce sont eux que l’on voit en premier en entrant à la Friche ; ils sont une part importante de son identité. Dans cette série, j’ai voulu aborder le site de la Friche en tant qu’espace social, lieu de vie et de mixité. La diversité des installations draine, dans une même enceinte, des publics variés, dont certains ne se rencontrent que très rarement. Ces mondes différents n’ont pas obligatoirement d’interactions directes, toutefois, ils partagent un lieu où les uns et les autres intègrent le paysage quotidien de chacun. Les jeunes qui ont posé pour mes clichés ont grandi avec internet. Ils sont depuis toujours exposés à une masse indistincte d’images. Ils sont eux-mêmes producteurs d’images. À travers les réseaux sociaux, ils se sont habitués à passer par le truchement d’une mise-en-scène photographique dans leurs rapports à l’autre.
Dans chacune de mes photographies, mes modèles se voient attribuer un tissu et une image comme accessoires. Les tissus sont souvent très colorés, parfois clinquants, imitant les codes du luxe. Ce sont des tissus issus de l’apparat populaire. Les images insérées aux mises en scènes sont des photographies, soit glanées sur un moteur de recherche, soit de l’artiste Torbjorn Rodland, dont le travail joue de cette ambiguïté entre googlisation des icônes et oeuvres d’art.Généralement assez indifférents à ces accessoires, les modèles ont toutefois accepté de poser avec, afin d’aboutir à une image publique. Dans cette série, j’ai donc photographié des jeunes de la Friche, mis-en-scène à l’intérieur de la Friche. Le dispositif est centré sur ces jeunes dont le rapport aux images est aussi riche que complexe. Il ne s’agit pas, à proprement parlé, d’en faire le portrait, mais plutôt de questionner la façon dont ils se représentent eux-mêmes, et ce qu’ils acceptent de montrer aux autres. J’ai aimé être celle qui, pendant quelques mois, a eu le rôle de chef d’orchestre de ce projet collectif, effaçant toute différence sociale et générationnelle, le moteur ici étant de les ouvrir à des concepts, de leur offrir des gestes, des espaces de réflexion, qu’ils deviennent les acteurs de projets artistiques liés à leur relation avec un espace dont ils sont aussi les habitants.